Workshop avec Livio Ambrosini
Livio Ambrosini, ancien étudiant de l’ETPA (promotion 2017) est revenu à l’école, mais cette fois-ci en tant qu’intervenant, professionnel du jeu vidéo. Durant deux jours, il a fait bénéficier de ses connaissances aux étudiants en deuxième année et en troisième année. Les premiers ont eu le droit à une introduction à Unreal Engine 4, les seconds à une création de scène.
Livio Ambrosini est actuellement employé chez Ubisoft Sofia et a notamment participé à l’élaboration d’Assassin’s Creed Valhalla, en tant qu’environment artist.
Mais qu’est-ce qu’un environment artist ?
Le métier d’environment artist consiste à faire les décors de jeux vidéo. C’est-à-dire tous les éléments en 3D ou en 2D qui ne sont pas des personnages : les terrains, les bâtiments, les arbres, la roche, ect…
Dans l’ordre des choses, les environment artists arrivent dans le process de création après que les level designers aient composé les niveaux d’un point de vue purement game play, donc sans trop penser au visuel. Une fois que les level designers ont terminé leur partie, nous venons habiller ces niveaux.
À ce moment-là de la création du jeu, les environment artists reçoivent des "white box" qui servent à présenter les bâtiments, la roche, etc… qu’ils habillent afin de rendre cela visuellement esthétique. Nous sommes également amenés à modifier un peu le level design, à notre manière, avec la composition d’image et les couleurs ; afin de guider le joueur et d’attirer son regard sur certains éléments du jeu.
Qu’es-tu venu aborder avec les étudiants de l’ETPA, lors de ton workshop ?
Durant ce workshop, tout ce dont j’ai traité avec les étudiants en 3ème année relevait de l’environment. Mais je souhaitais l’aborder avec des méthodes spécifiques que j’ai découvert au AAA, car ce sont des méthodes que l’on ne voit pas forcément à l’école. Je suis donc rentré dans le détail de ces techniques ; afin qu’ils puissent les utiliser pour leurs projets de 3eme année.
Avec les étudiants en 2ème année j’ai plutôt fait une introduction à ces techniques, pour leur faire savoir que cela existe. Je voulais qu’ils comprennent que ce qu’on leur enseigne actuellement à l’école relève du process essentiel. Ils sont en train d’apprendre les bases, toutefois il est intéressant de leur montrer l’aboutissement de ce travail ; c’est-à-dire ce qu’ils seront capables de faire dans un ou deux ans et comment ils pourront utiliser ces techniques pour des projets plus grands. Étant donné que ce sont des process utilisés partout et par tous, cela leur parle forcément, quel que soit les jeux vidéo qu’ils aiment.
Quels conseils donnerais-tu aux étudiants souhaitant intégrer un cursus jeu vidéo ?
Je souhaite surtout les rassurer sur le fait que ce n’est pas grave de ne pas savoir ce que l’on veut faire. Une fois que l’on a fini l’école on ne s’enferme pas dans un métier, on peut toujours rebondir.
Je leur conseillerais de rester ouvert d’esprit à toutes les disciplines qu’ils étudient actuellement à l’ETPA. À titre d’exemple, lorsque j’étais étudiant à l’ETPA, je n’aimais pas coder. Pourtant, aujourd’hui, même si je ne code pas à proprement parler, il m’arrive d’être confronté à des moments où j’ai besoin d’un petit bout de code et j’en suis capable. De plus, je suis content de pouvoir parler avec les programmeurs et de pouvoir comprendre ce dont ils parlent. Et rien que ça, c’est pas mal.
Il faut que les étudiants gardent à l’esprit que même si les informations qu’ils reçoivent actuellement ne paraissent pas utiles pour le moment ; elles pourront l’être un jour. Donc il ne faut pas lâcher.
Qu’est ce qui est le plus important pour toi lors de l’apprentissage du jeu vidéo ?
L’investissement, la capacité à se projeter lorsqu’on apprend quelque chose. Il est intéressant de pouvoir se projeter directement dans les métiers que l’on va le faire. C’est ce qui est bien à l’ETPA. On applique vite ce que l’on apprend et on voit ce que cela donne en dehors de la théorie.
Que retiens tu de ta formation à l’ETPA ?
Beaucoup de bons moments. Mais ça m’a surtout donné confiance en moi. Au lycée, j’étais un élève discret, timide et distrait. Mais en arrivant à l’ETPA cela n’a pas été pareil. J’ai découvert des métiers, ça m’a ouvert le champ des possibles. D’autant plus que j’ai appris à travailler en équipe et à collaborer, dès la 2ème année. On était une classe très soudée et une grande majorité d’entres nous sont restés en contact.
Je pense que ce que je retiens le plus c’est la capacité que l’on développe à parler avec tout le monde. En sortant de l’ETPA on est capables d’échanger avec beaucoup de corps de métiers, et de s’adapter facilement. Ça vient du fait que les enseignants nous font voir toute la conception du jeu vidéo. Donc même si l’on n’est pas spécialistes dans toutes les techniques, on est capables de parler avec tout le monde et de comprendre les problématiques de chacun.
Je le constate d’ailleurs chez Ubisoft. Il est arrivé que des gens de mon équipe ne comprennent pas les problématiques des level designers, ce qui engendrait de gros problèmes de communication. Et réciproquement. Grâce à la formation que j’ai suivi à l’ETPA, je n’ai pas ce souci. Je peux échanger avec les level designers et voir avec eux comment je peux travailler sur ma partie, en intégrant leurs problématiques.
A-t-il été facile pour toi d’intégrer le monde du jeu vidéo ?
À la fin du Grand Prix jury, j’ai discuté avec plusieurs professionnels pour leur demander ce qu’ils attendaient d’un environment artist et sur quels critères ils choisissaient un artiste. Ils m’ont répondu que tout se jouait sur le portfolio et qu’il fallait du temps pour en faire un bon.
À partir de ce moment-là, je me suis fixé l’objectif de me mettre à niveau durant six mois, et de ne pas postuler avant d’avoir atteint ce niveau. Je me suis imposé un rythme de travail allant de 8h à 10h de travail par jour, et durant lesquelles je visionnais des tutoriels. Je me fixais des scènes 3D à faire, nécessitant un certain niveau et je me disais « tant que je n’ai pas ce niveau, je ne postule pas ». Je conseille d’ailleurs aux étudiants de se concentrer sur une ou deux choses à apprendre par projet, et pas 45 car c’est ce que j’ai voulu faire au début et je me suis brûlé.
Après cela, j’ai commencé à travailler en freelance avec une boite sur Toulouse, qui cherchait un artiste 3D. J’ai fait un projet avec eux et pendant que je commençais cela, Ubisoft Sofia m’a contacté.
Le test qu’Ubisoft m’a envoyé était une scène que j’avais déjà réalisé et posté sur mon portfolio Artstation, avec les mêmes techniques. Leur test était très intéressant et proche du vrai métier. J’avais des contraintes, un concept art, ils m’avaient donné un dossier entier avec une vraie mission d’environment artist. Je me suis éclaté à faire cela et je pense que ça leur a beaucoup plu. J’ai fini ma mission en freelance puis j’ai passé mon entretien chez Ubisoft. Ils m’ont rappelé l’heure suivante pour me proposer un post d’intermédiaire et non pas de junior. C’était gratifiant.
En conclusion, j’ai fini mon stage début septembre et j’ai commencé chez Ubisoft en juillet. Sachant que j’avais choisi de ne pas postuler les 6 premiers mois. J’ai donc mis 3 mois à trouver un travail dans le monde du jeu vidéo.
As-tu un maitre Jedi qui t’a guidé ou inspiré ?
Oui, à l’époque ça a été un de mes professeurs de l’ETPA. Il m’a permis d’avoir confiance en moi. C’est devenu mon mentor. Il m’a d’ailleurs aidé pour mon test chez Ubisoft et m’a apporté beaucoup en conseils. C’est la personne qui m’a formé et qui m’a convaincu que je pouvais y arriver.
Mais des personnes qui m’inspirent j’en ai plein sur Artstation. Je suis inspiré par la démarche artistique de certains studios. Par exemple Santa Monica Studio (dernier God of War) ou Naughty Dog (Last of Us 2). Pour moi ces studios sont la crème de la crème. Ils posent les nouveaux standards.
Ta madeleine de Proust en jeu vidéo ?
Sans hésitation, c’est le premier Red Dead Redemption. C’est le jeu qui m’a mis la plus grosse claque.
Lorsque j’ai joué à ce jeu j’avais 12 ans, et c’est la première fois que je réalisais que l’on pouvait aussi bien raconter une histoire dans un jeu que dans un film. Je joue surtout aux jeux vidéo pour leurs histoires et pour les graphismes. Ce jeu vidéo montrait qu’on pouvait parler et dénoncer des choses fortes mais de manière fine. Je garde ma vieille XBOX juste pour ce jeu, et je me le refais une fois par an.